Violences Obstétricales et Gynécologiques (VOG) : plus fréquentes que l'on pourrait penser ?

Depuis la vague de plaintes et de témoignages pour violences sexuelles en septembre 2021 contre le gynécologue Emile Darai, on entend de plus en plus parler sur les réseaux sociaux des Violences Obstétricales et Gynécologiques (VOG). Mais alors qu’à l’automne 2021, le chef du service endométriose de l’hôpital Tenon est visé par au moins six plaintes pour viol, il n’est démis de sa fonction de chef de service qu’en début décembre et peut continuer d’exercer comme gynécologue.

 

Pourquoi la prise en charge des VOG est-elle si lente ? On vous explique tout ici ⬇︎

 

Tout d’abord, qu’est-ce que « Violences Obstétricales et Gynécologiques » (VOG) signifie ? 

Selon le Haut Conseil à l’Egalité Homme Femme, les VOG sont « les actes sexistes les plus graves qui peuvent se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes (…) elles peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves ». Il liste six groupes de violences - non exhaustifs :

  • La non-prise en compte de la gêne et du caractère intime de la consultation
  • Les propos porteurs de jugements
  • Les injures sexistes
  • Les actes exercés sans consentement 
  • Les actes ou refus d’actes non justifiés
  • Les agressions sexuelles ou viol

 

Une définition qui n’est pas reconnue par le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français

Bien que cette définition soit très précise, elle n’est pas reconnue par le Conseil National des Gynécologues et Obstétriciens français. Elle n’est pas non plus encouragée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins, instance chargée de la défense et de la régulation de la profession médicale. Lorsqu’un rapport public sur les VOG a été demandé par Marlène Schiappa en juillet 2017, le Conseil National de l’Ordre des Médecins a annoncé dans un communiqué de presse « regretter » les propos de la secrétaire d’Etat à l’Egalité Hommes Femmes et indiquer qu’ils « pourraient aggraver la défiance des femmes envers le corps médical dans son ensemble mais aussi décourager de possibles vocations pour des spécialités médicales aujourd’hui en souffrance en termes démographiques ».

 

La définition des VOG contredit pourtant directement le serment d’Hippocrate auquel sont soumis tous·tes les médecins : « J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences (…) et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs… ».

 

Pourtant, le terme est symbole d’une réalité qui dépasse les frontières de la France

En Amérique Latine, la question des violences obstétriques existe dans le débat public dès les années 2000. En France, la question des VOG a émergé suite au #payetonutérus de 2014 qui a fait émerger plus de 7000 témoignages de femmes en seulement 24h. Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité commandé en 2017 avait ainsi pour objectif selon Marlène Schiappa « d’objectiver le phénomène » et « d’identifier les leviers pour améliorer la situation ».

 

Ce rapport reste aujourd’hui la référence principale et pointe les multiples formes que peuvent prendre les VOG. Parmi les plus courantes, l’absence de demande de consentement de la patiente avant d’effectuer des actes médicaux. Sur les réseaux sociaux de l’Association Stop VOG, on peut lire plusieurs témoignages comme celui de cette jeune femme qui raconte un toucher rectal non désiré « je n’en ai jamais eu et lui [le médecin] demande la raison. Il me répond qu’il me le dira après l’examen. Je refuse l’examen et lui demande de me le dire avant. Il me fournit la même réponse. Je réitère donc mon refus mais il insère quand même son doigt dans mon rectum ».

 

Des violences qui s’inscrivent dans un schéma patriarcal et/ou de maltraitante générale dans le secteur des soins ?

Comme l’explique le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, ces violences prennent place au sein de ce que l’on appelle le « continuum des violences faites aux femmes » (c’est-à-dire que la banalisation d’agressions sexistes « mineures » rend possible la réalisation des violences sexuelles). Sonia Bisch, fondatrice de l’Association Stop VOG expliquait ainsi à France 24 que le viol prenant place dans tous les domaines de la société, « malheureusement la médecine n’est pas exempte de ces choses ». Le contexte patriarcal est donc bien la toile de fond de l’existence de telles violences.

 

Mais d’autres raisons sont invoquées, notamment par la sage-femme Anna Roy qui a pris la parole sur les réseaux sociaux à ce sujet avec le #jesuismaltraitante. Elle explique en quoi les contraintes organisationnelles et la culture hospitalière (sexisme, faible respect du corps) rendrait le personnel maltraitant, souvent contre son gré.

 

Une très (trop) faible prise en charge par la justice de ces violences

Alors que la loi Kouchner du 4 mars 2002 insistait sur la nécessité que la·le patient·e soit informé·e et qu’il·elle ait donné son consentement clair et éclairé à quelconque acte médical, la prise en charge des VOG n’est pas aussi claire. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins a ainsi rejeté la requête en 2018 d’une patiente ayant subit une palpation mammaire par un médecin généraliste car « s’il est exact que le consentement à cet acte de palpation n’a pas été précédé d’une interrogation expresse de cette patiente, il est clair que le consentement implicite à ce type d’acte découle de la demande même de consultation gynécologique ». Nous voilà donc bien loin du « consentement clair et éclairé » qui doit être requis avant tout acte. Et dans la voie pénale également, la prise en charge des VOG en raison notamment de l’absence d’infraction spécifique de VOG et de la difficulté pour la victime de prouver les violences subies.

 

En attendant, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français a adopté une charte en octobre 2021 destinée à être affichée dans les salles d’attente où l’on apprend notamment que l’examen clinique doit être « précédé d’une explication » et de « l’accord oral de la femme ». Toutefois, cette charte semble être une bien (trop) faible mesure et ne fait pas l’unanimité : plusieurs collectifs féministes critiquent le fait qu’elle ait pour objectif d’éduquer les femmes et non pas les médecins.

 

Comment réduire les violences obstétricales et gynécologiques ?

Avant tout, on est persuadé·es qu’il est nécessaire de rappeler aux médecins les principes d’information et de consentement lors des examens médicaux, mais aussi de les sensibiliser à une écoute active des patientes et des sensibilités de chacune. Ensuite, mieux informer les patientes sur les personnes à contacter et les droits de recours en cas de VOG. Et bien sûr, continuer à lutter, par l’éducation, contre le fonctionnement patriarcal de la société en général pour que les agressions, qu’elles aient lieu dans le cadre médical ou non cessent.